On l’appelait LOISEAU…
Il était orphelin, misérable, fragile, innocent, de bon cœur mais pour qui ?
Il vivait seul dans sa cabane au bord du torrent furibond qui le séparait du village. C’était l’étranger déraciné enraciné…
Et personne ne venait à lui, pratique, car le courant était trop violent pour qu’on se risque à traverser..
Sa solitude était semblable à un puits dévoreur de rêves… et il en souffrait, comme d’un mal insaisissable et dévorant…
Or un jour, lui vint une idée qui lui ensoleilla les yeux.
– Je vais tailler sept rochers plats et les poser d’un bord à l’autre, se dit-il. Ainsi, je pourrai aller sans souci au village tranquillement.
Il s’en fut donc dans la montagne, trouva six rocs de bon aloi. Ne manquait plus que le septième… Le soir venait. Il l’aperçut, un doigt de soleil sur lui. Il était énorme, carré.
Loiseau se retroussa les manches, le souleva hors de son creux et que vit-il, là, sous la pierre ? Un œuf tout blanc, tout magnifique, tout lisse…
Comme il se penchait, bouche bée, sourcils hauts, les yeux ronds ahuris, la coquille se craquela, se brisa, s’ouvrit et merveille, une fille, une femme de beauté et de bonté à l’air amusé, se dressa droite devant lui. Long cheveux, corps aérien, des petits pieds tout mignons, regard azuré, l’âme tranchante dans ses envolées lyriques.
– Qui es-tu, bafouilla Loiseau berbère.
– Un esprit, peut-être une femme farouche, guerrière dans l’âme, une fée azurée, une femme-fée…
Elle rit tout doux et lui susurra :
– Tes pierres sont mal assurées. Si le torrent s’emballe, adieu, elles dégringoleront au fond. Laisse-moi faire !
Poudre d’air, rocs soudain légers comme de la paille, sept piliers, un trait droit. Un pont. En un clin d’œil…, il fut bâti. Enfin dit-elle :
– Rentrons maintenant !
– Euh, où ?
– Ben, chez Toi !
– Euh… comment ça, chez moi ? rétorqua Loiseau…
– Evidemment !
Un peu plus tard, étonné de la rencontre improbable, Loiseau osa l’interroger en timidité de fragilités :
– Mais qui êtes-vous ? Et voulez-vous rester un peu, beaucoup chez moi ? Et seul je suis, une épouse, ce serait…
– Voilà plus de sept cents ans que je suis ton épouse, lui répondit-il rieuse…
Nuits et jours les firent heureux.
Or, un matin que le garçon allait au marché du village, il rencontra un paysan qui avait un champ de blé noir à portée d’arc de sa maison. C’était un jaloux, un teigneux, un méchant… Il avait lorgné sans plaisir le bonheur des jeunes époux. Il avait détesté ce berbère étranger oiseau, surtout d’avoir une compagne d’une blancheur immaculée de beauté envoutante, un soleil vivant dans son lit.
Comme ils faisaient chemin ensemble :
– Cher voisin heureux désormais, lui dit l’homme, je t’admire ! Tu as bâti un incroyable pont qui te reconnecte au village, bravo ! Habile comme je te sais, tu devrais tenter quelque chose contre le dragon pernicieux ui terrorise le village hélas !
– Un dragon, ahh bon ?? Première nouvelle, répondit Loiseau tout surpris et fort de sa naïveté innocente…
– Il vit au fond d’une caverne, là-haut sur l’autre flanc du mont. Ces temps-ci, il hiberne. Occasion rêvée de le trucider, pour le courageux connu que tu es ! Tu rendrais un sacré service à notre village et tous te respecteront !! Et si tu veux bien je t’aiderai évidemment !
-Pourquoi pas, voisin ?
Le soir venu, cordes à l’épaule, pieu pointu et paniers aux poings, ils s’en furent dans la montagne. Sous les étoiles, et le vent froid, loin de partout, dans la rocaille, ils arrivèrent. Le perfide voisin désigna un trou béant sous un surplomb de roche noire.
– Monte dans le panier, l’ami ! J’accroche la corde à son anse, et je te descends doucement. Surtout, chuuuuuut, pas de bruits !
Loiseau prit son pieu, descendit et découvrit une vaste salle et là, un dragon ?! Pas du tout !!! Mais en revanche, des morceaux de pierres précieuses, des pépites d’or, des diamants à profusion… Les bras grands ouverts, il cria :
– Aucun dragon ici !! Mais un immense trésor, certainement du dragon qui a dû partir, énorme trésor !! Immense, c’est beau !!
– Un trésor ?! Emplis vite le panier, je le hisse et te le renvoie ensuite !
Loiseau obéit à la hâte, en joie, regarda le fardeau monter mais ne le vit pas revenir… Il s’effraya, rappela… Rien… Le teigneux jaloux l’avait abandonné en bas, loin de tout… Il pensa : « me voilà perdu »…
Sa compagne la femme-fée aux yeux jaune orange de faucon, à la porte de leur cabane, l’attendit, se rongea les poings, guetta le moindre bruit de pas…Elle vit quelqu’un s’approcher à pas feutrés. C’était le méchant qui lui clama :
– Des brigands ont tué ton pauvre homme ! Viens alors chez moi, il est temps, je prendrai soi de toi, depuis le temps que je t’espère ! Tu auras tout avec moi !
Elle le bouscula, et partit, affolée, parmi les buissons, les rochers, les ravines mortes, criant :
– Loiseau !!! Mon Oiseau berbère !!! Mon oiseau !!
Elle parvint au puit de caverne car elle avait suivi l’odeur trace de Loiseau…
– Ohhh ma beauté-femme, ma belle magicienne, je suis au fond, impossible de monter, je suis prisonnier et perdu ici-bas…
– Ne crains rien, je vais te sauver !
Elle se pencha au bord du trou. De ses yeux azurs des larmes jaillirent, ruisselèrent mais chaque goutte resta l’une à l’autre attachée. Ainsi descendit une corde scintillante, légère, forte comme l’amour que rien au monde, même la mort, ne peut briser…
Loiseau ramassa une perle, un soleil au cœur de la nuit, et vint à la corde de larmes ? Il grimpa sans peur vers la vie.
Rires, bonheurs de retrouvailles, baisers tendres… l’amour vrai et sans fard et pur comme le cristal des larmes !
Comme ils s’en retournaient chez eux, ils ne virent pas le teigneux se glisser d’ombre en nuit profonde. Quand il parvint au bord du trou : « peu importe la femme, à moi le trésor et toutes les femmes seront à mes pieds !! » se dit-il.
Et la corde était encore là, pareille à des diamants liés qui se perdaient dans les ténèbres. Il l’empoigna. Elle se rompit immédiatement et tomba en pluie, avec lui. Il ne savait rien de l’amour véritable sincère des cœurs à cœurs…