Un jeune homme pauvre décide un jour d’aller consulter un vieux sage au sommet d’une montagne et de lui demander des conseils pour changer son destin. En chemin, il rencontre un derviche qui l’accompagne parce que son chemin va dans le même sens. A la sortie de la ville, ils passent près d’un grand arbre dont le tronc creux laisse couler du miel.
– Retourne en ville, dit le derviche et ramène deux jarres. Ce miel pourra te rapporter dix dinars d’ors.
– Crois-tu que j’aie le temps ? Ne t’ai-je pas dit que je cherche l’homme qui m’aidera à changer mon destin ? Allons, pressons le pas !
Les deux hommes continuent leur chemin et s’arrêtent dans une forêt pour permettre à leurs ânes de se reposer. Une heure plus tard, un homme arrivant en chantant et conduisant devant lui un âne chargé de deux jarres pleines de miel. Le derviche regarde le jeune homme en souriant…
– Ce miel ne provient peut-être pas du même arbre; et puis j’aurais pu me faire piquer par les abeilles ! dit le jeune homme en enfourchant sa monture.
Dans une rivière, à quelques lieux de galop, ils aperçoivent un gros poisson qui s’étrangle et qui essaie, en vain, d’attraper une herbe au bord de la rivière.
– Donne-lui l’herbe, il semble en avoir besoin, dit le derviche.
– Je n’ai pas le temps de m’arrêter, te-dis-je. Je cherche à changer mon destin.
Une heure plus tard, un homme à cheval arrive à leur hauteur :
– Aujourd’hui je suis le plus heureux des hommes; je viens de donner une herbe à un poisson qui s’étranglait et, vous n’allez pas me croire, le poisson a fini par cracher dans ma main une perle rare qui s’était coincé dans son gosier. Cette perle vaut une fortune, je sais de quoi je parle car je suis joaillier !
Le jeune homme garde le silence mais pousse son âne pour aller encore plus vite. Au milieu de l’après-midi, ils passent près d’un rocher qu’une colonie de fourmis essaie en vain de déplacer.
– Son on s’arrêtait pour voir un peu comment elles vont s’y prendre ?
– Derviche, tu me fatigues à la fin ! Je veux arriver au sommet de la montagne avant la nuit.
Ils n’étaient pas encore parvenus au pied de la montagne qu’ils entendent deux bergers qui arrivent en devisant gaiement. Ils ont aidé des fourmis à déplacer un rocher qui cachait un coffre plein de pièces d’or. Ce coffre empêchait les fourmis d’agrandir leur royaume souterrain.
Le derviche regarda le jeune homme :
– A vouloir te presser pour arriver, tu as fini par n’arriver nulle part. Trois fois, tu as laissé échapper ta chance parce que tu n’avais pas le temps de t’arrêter pour regarder de plus près.
– Mais de quoi te mêmes-tu ? Et puis pourquoi n’as-tu pas fait toi-même ce que tu me demandes au lieu de me donner des leçons ?
– Je ne pouvais pas le faire moi-même, je ne pouvais qu’attirer ton attention, parce que c’est moi qui suis ton destin.
Et le derviche disparut, laissant le jeune homme seul au pied de la montagne…