Il était une fois une jeune fille innocente et insouciante d’une grande beauté. Elle habitait avec toute sa famille, dans un village de grande plaine, battue par les vents.
Elle vivait là, heureuse, joyeuse, gambadant, jouant avec ses sœurs, rendant les services ici et là pour le plaisir de rendre service. Ne manquant pas de galants pour lui faire la cour, elle avait cependant toujours repoussé leurs avances. Son temps de jeune fille lui plaisait.
Vint un jour d’automne où elle s’en alla cueillir des champignons. Peu à peu, elle se rapprocha de la vaste forêt qui barrait l’horizon. Qu’y avait-il dans ces bois sombres ?
Elle se posait bien la question mais seul un ermite de la montagne reculée et quelques rares hommes s’aventuraient là. C’était là le domaine des esprits, et seuls ceux qui savaient pouvaient pénétrer ce monde sombre et en revenir sans dommage.
De la lisière, elle aperçut quelques magnifiques spécimens qui poussaient à quelques pas, à l’intérieur du bois frais. D’abord elle recula, refusant la tentation, puis, irrésistiblement attirée, elle rentra sous le couvert se promettant de ne faire que trois petits pas. Des champignons, il y en avait, mais il y en avait !! Les plus beaux étaient toujours un peu plus loin…Et de loin en loin, elle pénétra dans le couvert des arbres…
A la tombée de la nuit, perdue, elle s’arrêta devant l’entrée d’une cavité, sombre et lumineuse à la fois… étrange… A ses pieds, tels des gardiens, une multitude de serpents confusément enroulés, entremêlés, lui barraient le passage. Effrayée, fascinée aussi, elle n’arrivait pas à s’arracher à leur contemplation. De temps à autre, l’un d’entre eux se dressait, et de sa tête, semblait la prier de pénétrer dans cette cavité obscure.
Au bout d’un long temps, obéissant à un ordre non entendu, elle descendit. Les serpents lui avaient fait escalier avec de leurs corps. Guidée par une force invisible, elle atteignit une vaste salle ronde. Au beau milieu : une pierre. De là émanait cette sourde lumière indécise, et de partout, partout, des serpents ! Des multitudes de serpents de toutes tailles !
Et derrière la pierre en était un, plus grand que tous les autres. Des cornes d’or sur la tête. C’était leur reine !
Quand les paroles de celle-ci se firent entendre, la jeune fille perdit tout souvenir de ce qu’elle faisait là… Elle demeura ainsi dans la caverne, tout l’automne et tout l’hiver. Quand elle avait faim, comme tous ses amis serpents, elle léchait la pierre. Et la pierre la nourrissait…
Les premiers jours du printemps, elle entendit la reine lui dire qu’il était temps pour elle de regagner le monde des humains. Ce qu’elle fit en remontant vers la lumière du jour. Dans la forêt, la reine lui glissa dans l’oreille les secrets des herbes qu’elle foulerait sur le chemin. Si elle mes écoutait, elle les entendrait et comprendrait leur langage. Et elle saurait…
– Mais, rajouta la reine des serpents, prends garde à ne jamais prononcer le nom de la plus puissante d’entre elle, l’armoise, c’ornobil ; sinon toute ta connaissance des invisibles s’évaporerait comme neige au soleil.
Revenue chez elle, on la fêta comme une miraculée ! Et bientôt, de partout, on vint la consulter pour son savoir puissant extraordinaire. Innocente de fraicheur, elle demeurait et tous la respectaient pour sa connaissance du pouvoir du tout guérir grâce aux fleurs
Cependant, un jour, à la sortie d’un bosquet, elle se trouva nez à nez avec un jeune homme si beau à ses yeux que ses pensées ne furent bientôt plus pleines que de lui. Et ce qui devait arriver arriva…
Quelque temps plus tard, après avoir voluptueusement fait l’amour, elle lui raconta, à sa demande, ses amies légendaires les herbes, les fleurs, et parla de l’armoise, en oubliant sa promesse… pris dans l’élan du faire plaisir et du savoir séduire…On les maria, la noce fut belle.
Mariée, quand elle voulut aller cueillir ses plantes, elle s’aperçut qu’elle avait tout oublié de leur langage… Depuis partout, dans les diverses contrées du monde, l’armoise s’appelle l’herbe d’oubli…
Et étrange coïncidence des temps modernes… cette histoire est issue de la tradition slave, des terres bélarusses et ukrainiennes… et chose étrange de concordance, la fameuse ville connue pour son accident nucléaire, Tchernobil, mot proche de c’ornobil, signifie « lieu où poussent les armoises » ?; et que le symbole de l’accident nucléaire est un champignon, il y a de quoi rester songeur intrigué ?, pour en faire une autre histoire…